Sophie Ley est infirmière en psychiatrie, titulaire d’un master of arts in Health Care Management et d’un diplôme universitaire en ingénierie de la recherche appliquée en santé et soins. Son parcours professionnel se situe surtout dans les domaines de la clinique et de la gestion. Elle préside l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) depuis 2019.
L’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) représente les infirmières et infirmiers qui travaillent en Suisse. Avec ses 25 000 membres, elle est une des plus grandes associations professionnelles dans le domaine de la santé. Elle fonctionne sur des bases démocratiques.
La pandémie a rendu visible le travail des infirmières et des infirmiers, et leur contribution unique au système de santé dans tous les secteurs de soins. Nous avons été reconnus comme exerçant une profession d’importance systémique. La pandémie a aussi mis en évidence qu’il est absolument urgent d’avoir un personnel suffisamment formé et extrêmement compétent. Cela renforce les revendications de l’initiative populaire pour des soins infirmiers forts que nous avons déposée en 2017 afin de changer la constitution suisse.
Durant la première vague, tous les regards étaient tournés vers les soins intensifs. Grâce à notre grand travail de communication, nous avons réussi à mettre en évidence l’importance de tous les autres domaines de soins. Nous avons notamment œuvré à la reconnaissance des soins de longue durée qui se sont déroulés dans des conditions d’exercice professionnel très complexes, avec une forte mortalité des patients.
L’ASI s’est très fortement engagée pour la protection du personnel afin de garantir des conditions de travail en adéquation avec la loi sur le travail, mais aussi pour que le personnel soignant puisse avoir accès au matériel de protection nécessaire.
Site de l’Initiative populaire pour des soins infirmiers forts
La présence dans les médias a été – et est toujours – très importante : presse écrite, télévision, participations à des forums, débats, etc. Les médias ont souligné l’importance du besoin en personnel infirmier compétent et en nombre suffisant. Nous avons aussi été très médiatisés par notre mouvement politique lié à l’initiative sur les soins infirmiers.
Une rubrique « Covid-19 » a été créée sur le site internet de l’ASI avec tous les documents importants à ce sujet. Nous avons publié et diffusé des recommandations et des fiches d’information, par exemple, sur le traitement des heures négatives ou sur les défis éthiques dans le contexte de la pandémie. La revue suisse spécialisée dans la pratique infirmière a révélé le rôle et la diversité des interventions infirmières durant la pandémie en publiant de nombreux articles sur ce sujet.
La mise en visibilité de notre profession et de son rôle primordial et indéfectible depuis le début de la pandémie a renforcé notre lobbying politique et notre pouvoir d’influence, ce qui me satisfait. Il nous faudra toutefois encore renforcer nos actions pour faire valoir nos revendications et les opérationnaliser.
Section Covid-19 du site de l’ASI
La pandémie a mis en exergue les préoccupations à l’origine de l’initiative sur des soins infirmiers et confirmé le bien-fondé de ses revendications. L’initiative populaire est un droit civique suisse qui permet aux citoyens de proposer une modification de la constitution fédérale (moyennant la récolte de 100 000 signatures valides) et de la soumettre à votation populaire. Juste avant la crise du Covid-19, le parlement suisse avait refusé d’accorder son soutien à cette initiative, pourtant déjà fort soutenue par la population.
Avec cette initiative, nous voulons assurer la qualité des soins et la sécurité des patients. Il s’agit de garantir, d’une part, un nombre suffisant d’infirmières et d’infirmiers diplômés pour couvrir les besoins croissants et, d’autre part, l’affectation des personnes exerçant dans le domaine des soins infirmiers en adéquation avec leur formation et leurs compétences. L’initiative exige que la Confédération et les cantons investissent dans la formation dans le domaine des soins, améliorent les conditions-cadre dans la pratique et reconnaissent, au niveau légal, le travail effectué par les infirmières et infirmiers sous leur propre responsabilité.
Un contre-projet indirect à l’initiative a été proposé par le parlement. Il est toutefois insuffisant, car il ne reprend que deux de nos revendications sur quatre, soit le soutien financier à la formation et l’autonomie infirmière. La prochaine échéance politique est fixée au 18 juin 2021. On peut supposer que le contre-projet indirect sera adopté. Si celui-ci reprend les exigences de l’initiative sur les soins infirmiers, le comité d’initiative pourrait retirer l’initiative et le contre-projet indirect entrerait en vigueur. Toutefois, le comité d’initiative peut décider de soumettre l’initiative au vote populaire.
Nous connaissons une pénurie majeure de personnel; la profession infirmière manque d’attractivité. Il n’y a pas assez de jeunes qui choisissent cette profession. Annuellement, la Suisse ne forme que 43% de la demande réelle. D’ici 2030, 65 000 soignants manqueront dans notre pays. De plus, en moyenne 2 402 infirmières et infirmiers par an abandonnent leur profession. Et près d’un tiers d’entre eux la quittent même avant l’âge de 35 ans.
Cette situation est très préoccupante depuis de nombreuses années. Pour cette raison, nous avons déposé l’initiative sur les soins infirmiers. Nous considérons que l’inscription dans la constitution des soins infirmiers et les exigences de l’initiative constituent la bonne stratégie. En outre, nous revendiquons le positionnement d’infirmières et d’infirmiers à tous les leviers du pouvoir.
L’ASI représente les intérêts de tous les groupes professionnels et de toutes les personnes travaillant dans le domaine des soins infirmiers. Il s’agit de la plus grande association et de la plus influente sur le plan politique et social dans le domaine des soins infirmiers. Elle s’engage au niveau politique partout où des décisions importantes sont prises pour les soins infirmiers et les infirmières et infirmiers. Nous avons engagé un travail politique très important grâce à l’initiative pour des soins infirmiers forts et allons le renforcer à l’avenir. Et grâce à ce lobbying de l’ASI, les soins infirmiers prennent de plus en plus place dans le débat politique et sont une force de proposition, de consultation et de décision. Nous sommes représentés dans de très nombreuses organisations nationales (plus de trente), où nous défendons en particulier les intérêts, le contenu et la position des soins infirmiers. Nous sommes intervenus avec d’autres partenaires pour demander la création d’un poste d’infirmière administratrice en chef au niveau national.
Et, en pleine pandémie, la contribution des infirmières et des infirmiers à la qualité des soins a été reconnue par notre gouvernement, le Conseil fédéral. Celui-ci a procédé à la nomination de trois infirmières dans une nouvelle commission fédérale pour la qualité. Cette commission d’experts extra-parlementaire indépendante soutient le Conseil fédéral dans le développement de la qualité des prestations médicales dans le cadre de la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Pour nous, c’est une énorme victoire.
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