SÉRIE D’ENTREVUES AVEC DES DOYENNES ET DIRECTRICES D’ÉCOLES UNIVERSITAIRES EN SCIENCES INFIRMIERES

Le savoir infirmier au service de la santé

Un projet mené par:

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En amont du 8^e Congrès mondial, le Conseil consultatif sur la formation infirmière a souhaité animer une discussion autour du thème même de l’événement: Créer de la santé: la force du savoir infirmier. Ainsi, tout au long de l’année, des personnalités phares de l’enseignement et de la recherche à travers le monde nous livrent leur vision de la contribution des savoirs infirmiers à l’amélioration de la santé des populations et au développement de politiques de santé tournées vers l’avenir. En quoi la formation universitaire est-elle indispensable au développement des compétences et à la production des savoirs scientifiques qui guident la pratique infirmière? Comment propulser la recherche et l’arrimer aux diverses sphères de pratique? Quels sont les enjeux propres à chaque pays?

Ces entrevues lancent donc les discussions à poursuivre lors du congrès mondial en octobre 2022!

Entrevue avec Dieudonné Soubeiga, infirmier, Ph. D. (Santé publique)

Directeur et fondateur de l’Institut de Formation et de Recherche Interdisciplinaires en Sciences de la Santé et de l’Education (IFRISSE) – Burkina Faso

Dieudonné Soubeiga, infirmier, Ph. D. (Santé publique), est enseignant-chercheur et directeur général de l’Institut de Formation et de Recherche Interdisciplinaires en Sciences de la Santé et de l’Education (IFRISSE) du Burkina Faso. Infirmier formé au Burkina Faso, Dieudonné Soubeiga est titulaire du doctorat en santé publique de l’Université de Montréal (Québec, Canada), où il fut chargé de cours et coordonnateur du programme de maitrise en gestion de la qualité de soins. Expert en mesure de la qualité des soins, il a réalisé des mandats dans les organisations de santé du Québec, dont le CHU Sainte-Justine (Québec, Canada). Il a plusieurs contributions scientifiques à son actif, dont une méta-analyse publiée dans BMC Pregnancy and Childbirth sur la santé maternelle et néonatale.

L’accès à la formation universitaire en sciences infirmières en Afrique francophone en est à ses débuts. Comment construire la force de la recherche en sciences infirmières en même temps que le développement de cursus universitaires ?

Selon les données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2009) [1], nos pays abritent 11 % de la population mondiale, 24 % de la charge de morbidité et seulement 3 % des personnels de santé, correspondant à un déficit de 1 million de personnes. De plus, une étude menée par l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS) [2], une agence spécialisée de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) [3], a révélé, notamment, des disparités importantes dans la formation, la dénomination des diplômes et la durée des études. Il a également été souligné qu’il n’existait pas d’organes de régulation des professions d’infirmières et de sages-femmes. L’OOAS a alors lancé un processus d’harmonisation des programmes de formation des infirmières et sages-femmes basé sur le système LMD (licence-maîtrise-doctorat) dans les pays de la CEDEAO.

C’est dans cette foulée qu’est né, en 2015, l’Institut de Formation et de Recherche Interdisciplinaires en Sciences de la Santé et de l’Education (IFRISSE)[4]. Son principal défi est de former un nombre critique de formateurs, possédant un doctorat, qui contribueront à harmoniser, au niveau LMD, les programmes de formation et à développer la recherche. Toute institution de formation infirmière qui offre une filière LMD doit développer les compétences en recherche chez ses enseignants et inscrire ces activités dans ses fonctions professorales.

À l’IFRISSE, nous encourageons également les étudiants de maîtrise à produire des mémoires par articles afin de les publier dans des revues scientifiques [5].

[1] https://www.who.int/workforcealliance/media/news/2009/rrt_pr_fr.pdf

[2] https://portail.sante.gov.gn/wp-content/uploads/2020/03/2.-Curriculum_Harmonise_de_Formation_des_Infirmiers_et_Sage-Femmes.pdf

[3] https://www.wahooas.org/web-ooas/fr

[4] https://www.ifris-bf.org

[5] https://www.ifris-bf.org/articles-scientifiques-publies/

Quelles sont vos stratégies pour l’intégration des savoirs infirmiers dans la pratique clinique ?

L’harmonisation des programmes de formation par l’OOAS a pour objectif ultime de préparer les futurs diplômés au niveau le plus élevé en matière de prestation de soins. Cette démarche est un moyen de régulation de la formation et du développement du plan de carrière infirmier, d’autant plus que ces diplômés constituent la masse critique importante en matière de soins pour les populations de l’Afrique de l’Ouest. Il est essentiel, non seulement de bien former les infirmières et les infirmiers, mais, également, de s’assurer que nos diplômés obtiennent des postes qui leur permettent de jouer pleinement leur rôle. Trop souvent, le rôle infirmier n’est pas ou peu reconnu, et l’absence de cheminement de carrière est un frein au développement professionnel et au renouvellement des connaissances.

À l’IFRISSE, nous tentons d’impliquer les différents acteurs clés de la pratique, de la gestion et de la recherche pour faire évoluer les rôles, et nous assurer de la bonne utilisation des compétences infirmières. Par exemple, dans nos équipes de recherche, nous avons inclus des dirigeants d’institutions de soins, des praticiens et des leaders cliniques. Cela est aussi une stratégie qui vise à favoriser l’intégration des savoirs infirmiers dans la pratique.

Un autre défi pour nous est de s’assurer de l’accès à l’information et aux résultats de recherche pour le renouvellement des pratiques en soins infirmiers et les réponses appropriées aux multiples besoins de santé de la population.

Dans le contexte du Burkina Faso, en quoi le savoir infirmier contribue-t-il à la santé de la population ? Quelles sont les thématiques prioritaires de la recherche en sciences infirmières ?

Il est essentiel d’orienter les efforts et les ressources vers les thèmes prioritaires de recherche, pertinents et commandés par les besoins de santé de la population, du contexte sociosanitaire, de l’actualité et des décideurs en santé. La recherche en sciences infirmières au Burkina Faso doit s’intéresser à la promotion de la santé, la prévention et le traitement de maladies, telles que l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, qui viennent alourdir la charge de morbidité à laquelle doivent savoir répondre les infirmières et les infirmiers.

Dans des pays socioéconomiquement faibles, la gestion des maladies chroniques est un défi de taille : les facteurs de risque et les conséquences des maladies chroniques et non transmissibles contribuent à creuser les inégalités de santé.

Dans nos pays, le virage LMD est une véritable révolution pour la profession infirmière, les systèmes de santé et les institutions de formation. Aussi, une autre thématique prioritaire de recherche concerne les questionnements sur la transformation LMD, ses impacts sur le leadership infirmier dans le système de santé et dans les institutions de formation.

Enfin, les autres thématiques d’actualité concernent :

Les soins de santé communautaire
La santé numérique
La contribution de la profession infirmière dans l’accès universel aux soins de santé
La qualité des soins et la sécurité des patients

Comment développer des collaborations internationales de formation universitaire et de recherche en sciences infirmières ?

Dans son mémoire sur la formation infirmière, le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF) (2011) avait demandé, aux organisations nationales et internationales concernées par ces questions, de soutenir les pays d’Afrique francophone par des mécanismes de coopération institutionnelle, nationale, intra et interrégionale, visant à mettre en place la formation universitaire en sciences infirmières[6].

Vingt ans plus tard, cette recommandation demeure toujours d’actualité. Des démarches doivent se poursuivre de façon conjointe auprès des gouvernements et des bailleurs des fonds pour promouvoir les financements de projets internationaux; notamment, la priorisation des soins infirmiers par les décideurs des pays d’Afrique pour la mise en place de centres d’excellence et pour les appels à projets ciblant la recherche infirmière.

Il est aussi essentiel que les universités africaines travaillent ensemble pour le développement commun de projets de recherche en sciences infirmières adaptés aux besoins de santé et à la réalité de la population africaine.

Le développement des programmes de formation universitaire et de la recherche en sciences infirmières en Afrique mise sur la force des concertations nationales, interrégionales et internationales pour exercer un leadership qui permettra de réaliser pleinement les objectifs de santé dans nos pays.

Par ailleurs, le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement supérieur (CAMES) propose un programme d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est considéré comme un préalable pour le renforcement des capacités en enseignement et en recherche[7]. Ce programme, qui prend maintenant en compte les formations en sciences infirmières, facilitera la mise en œuvre de bonnes pratiques de formation, de même que de gouvernance universitaire et de leadership pour une gestion exemplaire (transparente, planifiée, efficace et efficiente).

Lors de la session 2021, l’IFRISSE a réussi l’accréditation de son programme de Master Sciences infirmières. Les résultats sont affichés sur le site web du CAMES[8].

[6] https://sidiief.org/nos-actions/grands-dossiers/#toggle-id-1

[7] https://www.lecames.org/programmes/a-q/

[8] https://pred.cames.online/web/home/resultats

L’Institut de Formation et de Recherche Interdisciplinaires en Sciences de la Santé et de l’Education (IFRISSE) du Burkina Faso offre des formations universitaires en sciences infirmières, santé communautaire, qualité des soins et santé sexuelle et reproductive. Ses programmes sont accrédités par le CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’enseignement supérieur).
L’IFRISSE fait la promotion de la recherche en santé et partage les productions scientifiques de ses étudiants sur sa plateforme Web.