SÉRIE D’ENTREVUES AVEC DES DOYENNES ET DIRECTRICES D’ÉCOLES UNIVERSITAIRES EN SCIENCES INFIRMIERES

Le savoir infirmier au service de la santé

Un projet mené par:

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En amont du 8^e Congrès mondial, le Conseil consultatif sur la formation infirmière a souhaité animer une discussion autour du thème même de l’événement: Créer de la santé: la force du savoir infirmier. Ainsi, tout au long de l’année, des personnalités phares de l’enseignement et de la recherche à travers le monde nous livrent leur vision de la contribution des savoirs infirmiers à l’amélioration de la santé des populations et au développement de politiques de santé tournées vers l’avenir. En quoi la formation universitaire est-elle indispensable au développement des compétences et à la production des savoirs scientifiques qui guident la pratique infirmière? Comment propulser la recherche et l’arrimer aux diverses sphères de pratique? Quels sont les enjeux propres à chaque pays?

Ces entrevues lancent donc les discussions à poursuivre lors du congrès mondial en octobre 2022!

Entrevue avec Daniel GAGNÉ, infirmier, M. Sc.

Doyen de l’École des sciences infirmières et des études de la santé de l’Université de Saint-Boniface, Manitoba, CANADA

Infirmier de formation, Daniel Gagné détient une maîtrise en sciences infirmières de l’Université du Manitoba (Manitoba, Canada). Il est professeur au programme de baccalauréat en sciences infirmières depuis plus de seize ans et a occupé divers rôles de leadership au sein de l’École des sciences infirmières et des études de la santé (ESIES). Depuis le 1^er août 2020, il est doyen de l’ESIES à l’Université de Saint-Boniface.

Seule université francophone dans l’Ouest canadien, l’Université de Saint-Boniface offre la filière de premier cycle en sciences infirmières. Dans un contexte de minorité francophone, quels sont les défis particuliers que doit relever votre École?

Il existe des défis particuliers que l’École des sciences infirmières et des études de la santé (ESIES) doit relever en contexte minoritaire francophone. Le recrutement de personnel qualifié francophone demeure un défi constant pour l’École. Afin de relever à ce défi, l’ESIES s’investit à encourage les membres du personnel à poursuivre leurs études et à suivre des formations pour accroitre leurs compétences et qualifications. Étant la seule école francophone, le manque (ou la pénurie) de ressources professionnelles en français est un défi auquel les étudiants et le personnel font face au quotidien. La petite taille de l’école renforce l’importance de développer des partenariats et des relations avec nos collègues à l’échelle provinciale, nationale et internationale, afin de permettre le développement et l’avancement des savoirs.

Quelles sont les stratégies déployées pour l’intégration des savoirs infirmiers dans la pratique clinique? Collaboration avec les milieux cliniques? Rôles infirmiers spécialisés, etc.?

Les concepts du savoir, du savoir-être et du savoir-faire font partie intégrale du cadre conceptuel de l’École. Selon ce cadre conceptuel, les savoirs mènent au développement des compétences nécessaires à la pratique infirmière. L’École a plusieurs stratégies pour l’intégration des savoirs infirmiers dans la pratique clinique, notamment celle de la simulation. Elle remplace graduellement 25% des heures de pratique en milieu clinique avec l’équivalent d’expériences en simulation. La simulation permet aux étudiants en soins infirmiers d’améliorer leurs connaissances, leurs compétences, leurs attitudes (Lioce et al., 2020) et leurs capacités de raisonnement clinique, afin d’évaluer des scénarios réalistes et d’y répondre dans un environnement simulé. Cela permet aux étudiants d’être mieux préparés lorsqu’ils entrent sur le marché du travail et, en fin de compte, d’améliorer les résultats pour les patients (National League for Nursing, 2017). Lorsque la simulation est intégrée aux stages cliniques, les étudiants pratiquent des comportements et des concepts cliniques clés dans un environnement sécuritaire, ce qui encourage le transfert de l’apprentissage à des situations de soins réelles facilitées par la pratique clinique (Bogossian et al., 2018; Dow, 2012a; Harder, 2010). Ces expériences permettent aux étudiants de mieux s’approprier le rôle infirmier.

Bogossian, F., Cooper, S., Kelly, M., Levett-Jones, T., McKenna, L., Slark, J., & Seaton, P. (2018). Best practice in clinical simulation education are we there yet? A cross-sectional survey of simulation in Australian and New Zealand pre-registration nursing education. Collegian, 25(3), 327-334.

Dow, A. (2012a). Simulation-based learning: A case study, Part 1. British Journal of Midwifery, 20(7), 508-514.

Harder. N. (2010). Use of simulation in teaching and learning in health sciences: A systematic review. Journal of Nursing Education, 49(1), 23- 28.

Lioce L. (Ed.), Lopreiato J. (Founding Ed.), Downing D., Chang T.P., Robertson J.M., Anderson M., Diaz D.A., and Spain A.E. (Assoc. Eds.) and the Terminology and Concepts Working Group (2020), Healthcare Simulation Dictionary–Second Edition. Rockville, MD: Agency for Healthcare Research and Quality; January 2020. AHRQ Publication No. 20-0019.

National League for Nursing. (2017). Up to 50% of clinical hours can be replaced by simulations. Retrieved from Up to 50% of clinical hours can be replaced by simulation

La communauté francophone manitobaine a-t-elle des besoins de santé spécifiques? Selon votre perspective, quelles sont les thématiques prioritaires de la recherche en sciences infirmières?

Étant dans un milieu minoritaire francophone, l’accessibilité à des services de santé primaires de qualité en français est nécessaire pour améliorer la santé des franco-manitobains. Afin d’augmenter l’accessibilité des soins de qualité à la communauté francophone de l’Ontario, le programme de baccalauréat en sciences infirmières (licence ou bachelor) vise à augmenter le nombre d’infirmières autorisées (ou diplômées) parlant français. Les étudiants du programme de baccalauréat en sciences infirmières sont sensibilisés à l’offre active dès la première année du programme. L’offre active consiste à « proposer, de façon proactive et dès le premier contact avec la patiente ou le patient, un ensemble de services en français ». Cette initiative de formation vise à surmonter la pénurie de professionnels qui peuvent offrir des services en français. De Moissac et collègues (2012) ont identifié la pénurie de professionnels comme étant un facteur qui entrave (ou bien comme étant une barrière à… ) l’accessibilité aux services en français. Ce qui est encourageant est que la santé des francophones semble s’améliorer avec chaque génération en raison des politiques linguistiques selon le Manitoba Centre for Health Policy (2012).

Quelles stratégies gagnantes déployez-vous pour propulser la recherche en sciences infirmières et influencer les pratiques?

L’évolution de la formation des infirmières d’un programme de diplôme à un programme bachelier en sciences infirmières a propulsé l’avancement des connaissances au sein de l’ESIES. Afin de faire la promotion et d’avancer la recherche auprès du personnel et des étudiants, l’ESIES a mis en œuvre plusieurs stratégies gagnantes:

L’ESIES, en 2018 a élaboré son plan stratégique, où la recherche est l’un des axes prioritaires;
La charge d’enseignement a été réduite de 25% afin de permettre aux professeurs de participer aux activités de recherche, d’augmenter leurs compétences en recherche ou de poursuivre des études supérieures;
L’ESIES offre du soutien financier aux professeurs afin de poursuivre des études supérieures et/ou des activités de recherche;
L’ESIES facilite des activités de recherche auprès des étudiants telles des présentations d’affiches, du soutien financier pour participer à des conférences et des colloques, et des opportunités de postes d’assistants de recherche. L’ensemble de ces stratégies favorise le développement d’une culture de recherche à l’école et suscite l’intérêt des futurs chercheurs, tout en faisant avancer la recherche en sciences infirmières.

Comment développer des collaborations francophones internationales de formation universitaire et de recherche en sciences infirmières?

Étant une nouvelle École avec un mandat de recherche, l’un des objectifs prioritaires est la création d’un environnement et d’une culture qui favorise l’avancement des connaissances, notamment par le développement de partenariats qui permettent aux professeurs de développer des relations et des collaborations en recherche. L’une de ces initiatives fut l’adhésion de l’École des sciences infirmières et des études de la santé au SIDIIEF. Devenir membre du SIDIIEF permet à l’École et aux professeurs de développer des relations et des collaborations avec d’autres collègues francophones dans le domaine des soins infirmiers. Saisir les occasions de se rassembler et de partager ses connaissances permettent le développement de relations nationales et internationales qui favorisent l’épanouissement de la recherche et l’avancement des connaissances en sciences infirmières.

L’Université de Saint-Boniface (USB) est le plus ancien établissement d’enseignement postsecondaire de l’Ouest canadien et est l’université de langue française au Manitoba. Elle abrite à la fois une université et deux écoles collégiales dont l’École technique et professionnelle (ETP) et l’École des sciences infirmières et des études de la santé (ESIES). L’USB offre une formation en sciences infirmières depuis 2001 avec un programme de “diplôme” et en 2011, celui-ci a évolué à une formation initiale de bachelière en sciences infirmières. L’ESIES a été officiellement créée en juin 2017, afin de regrouper sous une unité d’enseignement les programmes de sciences infirmières et de santé.