Mars 2021
Qualité des soins et sécurité des patients
En préambule, la plupart des articles de ce S@voir Inf. – Qualité des soins et sécurité de patients s’inscrivent dans le cadre d’un processus rapide de développement des connaissances scientifiques liées à la pandémie de la COVID-19. Cette pandémie a généré de nombreuses recherches et publications de qualité variable dans un temps restreint. Cette situation pose de nombreuses questions et génère de nombreux débats professionnels et publics. Deux résumés critiques pourraient alimenter ce débat de la COVID-19 : (a) l’Institut national de santé publique du Québec (Canada) recommande le report de la 2e dose de vaccin afin d’offrir une première vaccination plus large de la population et (b) une revue systématique, avec méta-analyse, soutien le port du masque pour prévenir la transmission aérienne. Pour le premier résumé, la stratégie proposée par le Québec (Canada) n’est pas proposée dans tous les pays. Pour le deuxième, les qualités méthodologiques de la recherche poussent à la réserve. Faut-il suivre ces recommandations scientifiques ?
L’objectif du S@voir Inf. – Qualité des soins et sécurité de patients est de proposer des résumés critiques qui soutiennent nos réflexions, nos échanges et notre pratique quotidienne.
La pandémie de la COVID-19 (re)met en lumière le processus de développement des connaissances scientifiques. Il est composé de controverses, de débats, de convergences, d’experts émergents, reconnus ou non, déchus, d’hypothèses ou d’opinions acceptées ou rejetées par des réseaux (Callon et Latour, 2006). Les exemples foisonnent : efficacité des traitements, effets et effets secondaires des mesures préventives. Les connaissances scientifiques sont en constante transformation et évolution. Le processus de développement de ces connaissances influence et est influencé par notre monde social complexe. Dans ce monde incertain, comment inscrire notre pratique infirmière en lien avec des connaissances scientifiques en transformation ?
L’incertitude générée par une pandémie mortelle appelle au développement de connaissances scientifiques ou non. Ces connaissances prennent des formes diverses et variées, relayées dans divers réseaux qui se créent et se développent. Pourtant, toutes ces connaissances ne sont pas égales (Bhaskar, 2017). Par exemple, les travaux de John Snow, durant l’épidémie de choléra de Londres de 1854, ont permis de rejeter la croyance scientifique dominante concernant sa transmission par voie aérienne. Pour donner suite aux cartographies et aux observations des habitudes de vies qu’il avait réalisées, ce chercheur a émis l’hypothèse que la transmission du choléra se fait par l’eau. Cette théorie est testée en changeant les pompes à eau des quartiers les plus touchés. Ainsi, le nombre de nouvelles contaminations au choléra a diminué rapidement. À travers cet exemple, nous pouvons considérer qu’il existe de meilleures connaissances que d’autres pour expliquer le monde réel.
Paradoxalement, les connaissances scientifiques sont transitives et faillibles, et ce, même pour les meilleures (Bhaskar, 2017). Pourtant, des acteurs considèrent certaines connaissances scientifiques comme des certitudes. Le contexte actuel (p. ex. incertitudes liées à la pandémie ou aux fake news) semble renforcer des prises de position dogmatiques qui tuent tout débat. Les connaissances scientifiques comportent des incertitudes par rapport au monde réel. D’une part, ce monde réel évolue et se transforme indépendamment des connaissances. D’autre part, les connaissances scientifiques sont construites. Ces constructions intègrent une part d’incertitude (p. ex. dans leur définition, leur généralisation à une population, leur contextualisation, la taille de leur effet ou des actions humaines variées). Sur cette base, les connaissances scientifiques, transitives et faillibles, évoluent et influencent en retour notre monde.
En effet, les connaissances sont chargées de valeurs et de pouvoirs générateurs de changements. D’une part, elles permettent la création, l’émancipation ou le soutien (Alderson, 2021). D’autre part, les connaissances permettent les contraintes indues (p. ex. dans la surveillance, la coercition). Dans ce contexte, il est essentiel de nous questionner : qui exerce ce pouvoir, pourquoi, dans quels intérêts ?
En synthèse, la pandémie de la COVID-19 génère le développement de connaissances scientifiques très rapide. Des controverses et des convergences émergent de ces développements. Ces connaissances sont débattues, car elles ne sont pas toutes égales. Il existe de meilleures connaissances pour expliquer le monde réel. Toutefois, elles l’expliquent d’une façon incertaine, certains tendent à l’oublier. Ils véhiculent des impératifs ou des discours dominants qui ont un fort potentiel de stigmatisation, d’injustice et d’iniquité. Est-ce qu’une croyance, qui est la meilleure pour le plus grand nombre, l’est pour tous ? Est-ce qu’une croyance, qui est la meilleure dans un contexte, l’est dans tous les contextes ? Ces réflexions et questionnements poussent à une éthique prudente et à la réflexion critique. Nous espérons que ce bulletin soutiendra ces réflexions.
Pour conclure, trois articles complètent ce S@voir Inf. – Qualité des soins et sécurité de patients. Le premier émet des recommandations quant à la contribution des experts d’amélioration de la qualité et de la sécurité durant la pandémie de la COVID-19. Ces recommandations émanent d’experts du domaine. Le deuxième évalue le ratio infirmières/patients requis par les patients ayant la COVID-19 et identifie les facteurs qui influencent les soins infirmiers pour ces patients dans trois unités de soins intensifs belges. Le troisième propose une synthèse des connaissances sur les maladies infectieuses émergentes et des pistes pour les gérer.
Nous vous souhaitons une bonne lecture,
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