Mai 2021
Formation infirmière
Depuis mars 2020, dans chacun des pays du monde et de la Francophonie, des articles de journaux rappellent, presque chaque jour, que les étudiants vivent une situation exceptionnelle d’isolement, entre autres, par la prestation de cours à distance et la restriction des contacts sociaux. Cet isolement conduit, pour certains, à des manifestations exacerbées d’anxiété, voire de dépression. Des caractéristiques spécifiques s’ajoutent à cette situation pour les étudiants en formation infirmière. D’abord, on constate le rappel régulier du travail du personnel infirmier dans les médias afin de leur rendre hommage, notamment pour les soins continus en vaccination et auprès des personnes atteintes de COVID-19, pour leur humanisme et pour leur dévouement. C’est un rappel inspirant certes, mais qui peut être perçu par les étudiants comme comportant des attentes élevées de la part de la population face à leur future profession. Ensuite, les superviseurs qui guident les étudiants dans l’apprentissage clinique évoluent dans un environnement constamment en reconfiguration, selon les directives et mesures mises en place dans le monde entier (p. e. : report de chirurgie non urgente, transformation de l’unité de soins en unité COVID, assignation à la vaccination, etc.). C’est un environnement qui peut être déstabilisant pour un étudiant, en plus de représenter un important défi de configuration d’horaire lorsque les stages sont interrompus. Enfin, les étudiants en formation infirmière, qui œuvrent souvent au sein d’un établissement de santé, peuvent ressentir la pression de l’employeur en vue d’augmenter leur temps de travail, au détriment de leur temps d’apprentissage. Il n’est donc pas surprenant de constater que les étudiants en formation infirmière, et ce, même avant le contexte de pandémie, se trouvent parmi les cohortes étudiantes rapportant le plus de symptômes de mal-être (Wathelet et coll., 2020), la pandémie ayant accentué ce constat (Dugué, Garncarzyk, et Dosseville, 2018).
La question est donc posée : quelles actions visant le bien-être des étudiants tout au long de leur parcours peuvent être déployées par les gestionnaires de formation lors de révisions ou d’ajouts au programme en sciences infirmières ? À cette question, plusieurs articles scientifiques, dont ceux présentés dans ce numéro, proposent des stratégies visant à protéger les étudiants en formation infirmière d’une anxiété insurmontable et, éventuellement, d’un épuisement professionnel pouvant survenir en cours de carrière.
De ces actions, il ressort des principes directeurs. Le premier est que le bien-être étudiant est loin d’être une question individuelle. Il s’agit en effet d’un facteur de protection contre la difficulté à réguler ses émotions, dans une profession où les situations urgentes, complexes et changeantes sont courantes et où l’intensité des relations humaines (maladie, fin de vie, douleur) est intense. C’est aussi en cultivant ce bien-être personnel et professionnel que les étudiants en viennent à développer les dispositions qui leur sont nécessaires à l’apprentissage et à l’exercice de leur raisonnement et jugement clinique. Ensuite, le deuxième principe directeur est que l’apprentissage de ce bien-être n’est pas une théorie à transmettre dans un cours en particulier, mais plutôt une compétence transversale à intégrer dès le début du cheminement académique, notamment par des activités d’apprentissage théorique, clinique et en laboratoire, tel que proposé par Walsh, Owen, Mustafa et Beech (2020). Ainsi, dès le début de la formation, l’étudiant se trouve dans une position de responsabilité face au développement de ses stratégies de résilience et d’intelligence émotionnelle. À ce sujet, l’étude de Sun, Wang, Wang, Han, Liu, Wu et Pang (2021) suggère que le personnel infirmier de plus de 45 ans et ayant de l’expérience possède un niveau davantage élevé d’intelligence émotionnelle que le personnel infirmier plus jeune et moins expérimenté. Il s’avère donc qu’une avenue à considérer dans la formation infirmière est de favoriser le contact avec des modèles de rôle infirmier, accompagné de mentorat, en vue d’accroître la capacité des étudiants à réguler leurs émotions et à développer leur résilience. Finalement, le troisième principe directeur est que la capacité réflexive est la pierre angulaire du bien-être professionnel. Cependant, pour une appropriation réaliste qui tienne compte des différentes cultures de formation, la capacité réflexive devrait faire l’objet de discussions permettant aux étudiants de saisir ce qu’implique la démarche proposée. Globalement, il est entendu que le développement de la capacité réflexive favorise l’observation et l’analyse de ses propres réactions face à ses activités professionnelles, ce qui, en retour, facilite la gestion de ses réactions émotionnelles et accroît la capacité d’apprentissage, tout en soutenant l’adoption d’une posture professionnelle positive.
Outre l’intégration du bien-être professionnel tout au long de la formation des étudiants, l’article de Mitchell et Sawatzky (2021) rappelle que des activités structurantes instaurées par l’établissement d’enseignement influencent aussi le bien-être des étudiants. Les gestionnaires, directeurs et professeurs des programmes qui côtoient les étudiants sont appelés à réfléchir à leurs réseaux de communication et à leur traitement humaniste et flexible des situations étudiantes. Enfin l’accès à Internet et aux bibliothèques virtuelles est devenu nécessaire à la réalisation des études en sciences infirmières.
Cette préoccupation du bien-être des étudiants lors de la formation en sciences infirmières a des bénéfices à l’échelle de la profession. Un étudiant qui a une perception juste de ses capacités de raisonnement, qui a développé des habiletés réflexives, qui se sent soutenu et qui verbalise ses limites est en bonne position pour s’engager positivement dans sa profession.
Je vous invite donc à découvrir les stratégies spécifiques de mieux-être des étudiants qui sont développées dans les cinq articles présentés ici. Bonne lecture de ce numéro du S@voir inf. – Formation infirmière! Faites-nous part de vos commentaires!
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