Les assistants-médicaux: un nouveau métier ou un retour en arrière?


Article publié le : 28 septembre 2018

Le gouvernement français a annoncé un plan de réorganisation des services de santé dans lequel il introduit un nouveau métier : les techniciens médicaux en structures ambulatoires. Ils sont présentés comme « des professionnels qui aideront nos médecins dans les prochaines années… 15 à 20 % de temps médical pourrait être gagné ».

Cette vision consistant à consolider les services médicaux ambulatoires autour de la prestation médicale soulève des questions. En effet, cette orientation est à contre-courant des grandes tendances internationales. Un système de santé n’existe pas pour les médecins mais pour répondre aux besoins des patients. Plusieurs rapports d’experts ont déjà affirmé que les systèmes de santé qui réussiront le mieux dans l’avenir s’appuieront sur des équipes interprofessionnelles fortes, compétentes et aptes à s’engager dans un nouveau partage des responsabilités. La qualité des soins et les services adéquats à la population en sont tributaires.

C’est dans cette optique que le 7e congrès mondial du SIDIIEF, tenu à Bordeaux (France) en juin 2018, a mis l’accent sur le déploiement de la pratique infirmière avancée comme réponse aux complexités croissantes des systèmes de santé dans le monde.

Lancée au congrès, la publication récente du SIDIIEF, intitulée La pratique infirmière avancée – vers un consensus au sein de la Francophonie, conclut que l’efficacité et l’efficience de la pratique infirmière avancée peuvent être considérées comme probantes [1].

Si l’introduction d’un nouveau métier à moindre coût paraît séduisante, elle n’est pas une solution valable à plus long terme car elle entretient un morcellement des soins.

Des programmes spécifiques de formation en pratique infirmière avancée viennent de débuter en France. Dans la lignée des tendances internationales, le SIDIIEF applaudit le virage de l’introduction de la pratique infirmière avancée en France. La formation de nouveaux techniciens assistants-médicaux viendra-t-elle affecter la disponibilité des fonds nécessaires pour le déploiement des programmes de formation universitaire (master) des infirmières de pratique avancée ? Quelle importance relative le plan 2022 accordera-t-il à chacun de ces nouveaux métiers ?

On peut comprendre du plan français 2022 que les soins de santé primaire demeureront une chasse-gardée médicale. L’Ordre National Infirmier de France a déjà dénoncé cette vision passéiste qui n’ouvre pas le champ des soins de santé primaire aux infirmières de pratique avancée. Pourtant, il est reconnu que les services de santé de première ligne s’imbriquent dans un tissu communautaire où les déterminants sociaux ont une grande importance et dépassent de beaucoup le champ d’intérêt de la médecine.

À cet égard, dès 2011 [2], le SIDIIEF a démontré l’importance de l’introduction de la pratique infirmière avancée pour mieux répondre aux besoins évolutifs des communautés. Rappelons la vaste étude de l’OCDE [3] sur l’analyse de l’évolution de la pratique infirmière avancée dans douze pays de l’OCDE (Australie, Belgique, Canada, Chypre, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Japon, Pologne, République tchèque, Roumanie) qui a confirmé l’impact positif sur la qualité des soins et le maintien des coûts.

Si le degré d’application des rôles infirmiers avancés est variable, les évaluations effectuées dans les pays qui en ont une plus longue expérience (pays anglo-saxons, Finlande, Japon) démontrent les effets positifs en soins de santé primaire. Un haut taux de satisfaction des patients s’explique par le temps passé avec l’infirmière ou l’infirmier, par la qualité de l’information partagée, par une meilleure compréhension de leur condition de santé ainsi que par une capacité à participer au traitement et à prendre en charge.

Faut-il encore le rappeler, l’efficacité du rôle de l’infirmière praticienne avancée a été démontrée sur la sécurité et la satisfaction des patients, la prévention de ruptures de services, l’amélioration de l’accès à des soins de qualité, ou encore la réduction des coûts en écourtant la durée d’hospitalisation et en prévenant les réadmissions. Ce rôle d’expert clinique prend appui sur une analyse approfondie des besoins de santé du patient, de la famille ou de la communauté, et intègre les résultats probants à l’évaluation, à la décision et à l’intervention cliniques.

L’évolution de la pratique infirmière avancée s’avère donc la meilleure option de réorganisation des services de santé qui requiert toutefois une vision renouvelée des politiques publiques en matière de santé [4].

Loin d’être l’exercice d’une médecine à bon marché, la pratique infirmière avancée a tout le potentiel requis pour répondre à la complexité des besoins de santé des personnes, des familles et des communautés par le déploiement des meilleures pratiques et le renforcement de la collaboration interprofessionnelle [5] [6] [7] [8].

La secrétaire générale,
Hélène Salette, infirmière, M. Sc. inf. ASC

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